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12.1 Aller vers une économie post-croissance

Le PIB devient progressivement un indicateur obsolète incapable d’évaluer correctement le bien-être, la qualité de l’environnement (climat, biodiversité, etc.), les inégalités ou encore la qualité de nos services publics. Nos politiques principalement axées sur la croissance illimitée du PIB produisent des dommages environnementaux et sociaux qui, au-delà d’un certain seuil, surpassent même les avantages d’un PIB croissant. Les nouveaux indicateurs doivent refléter le respect des normes sociales et celui des limites écologiques, par exemple via l’implémentation de budgets carbone. Outre l’utilisation de nouveaux indicateurs harmonisés, implémentables et simples d’usage, il est important de s’assurer que ceux-ci nourrissent effectivement la décision politique. Intégrer ces indicateurs alternatifs au processus budgétaire permettrait de donner les clés aux parlementaires.

Les études convergent pour montrer que les hauts revenus sont directement corrélés aux empreintes environnementales les plus destructrices1,2. Les 10 % les plus riches de l’humanité (plus de 3500 € de revenus nets par mois) sont responsables de la moitié des émissions de CO2 mondiales. Avec 17 tonnes CO2/an par individu en moyenne, les 10 % de la population avec le plus gros pouvoir d’achat en Europe sont responsables de 30 % des émissions européennes. La réduction des inégalités et la limitation de la richesse extrême sont ainsi de plus en plus mises en avant comme des mesures environnementales importantes, en plus d’être des mesures démocratiques et sociales3.

Par ailleurs, la fiscalité doit davantage être utilisée afin d’orienter les comportements des citoyens vers les pratiques et consommations vertueuses et les éloigner de pratiques néfastes à la société dans son ensemble (notamment à cause de leur impact environnemental).

a) Ancrer les indicateurs de prospérité alternatifs au PIB dans la décision politique et viser d’autres objectifs sociétaux que la croissance4.

b) Remplacer l’objectif « pouvoir d’achat » par l’objectif « pouvoir de vivre dignement ». L’enjeu, dans un pays riche comme la Belgique, n’est pas de stimuler toujours plus de consommation, mais de répondre aux besoins essentiels de toutes et tous dans le cadre des limites environnementales.

c) S’assurer que la répartition des ressources dans la société permette, d’une part, à chacun de vivre dignement, et limite, d’autre part, les empreintes environnementales les plus excessives (modes de vie nécessitant plusieurs planètes s’ils étaient généralisés). En particulier, adapter la progressivité de l’impôt au profit des bas revenus et augmenter la progressivité sur les hauts revenus, en intégrant les revenus du patrimoine et en limitant l’accumulation5.

d) Les politiques redistributives qui sortent les gens de la pauvreté et de la précarité sont à encourager. L’élimination de la pauvreté produit une augmentation modérée des émissions de GES, alors que la limitation des hauts revenus peut réduire les émissions de manière conséquentes6.

e) Utiliser la fiscalité et la régulation pour verdir davantage nos comportements. La surconsommation de produits ou services polluants doit être découragée par des taxes et/ou limitée par la régulation. Il peut s’agir de taxes spécifiques pour des comportements nocifs (taxes sur les billets d’avion ou le kérosène par exemple) ou de faire évoluer nos consommations vers des comportements plus vertueux en adaptant, par exemple, les régimes des taux réduits de TVA. Des limitations ou interdictions concernant les vols en avion sur des distances intra-européennes modérées (moins de 1000 kilomètres) et un plafonnement strict de l’usage des jets privés (encore plus polluants) constituent d’autres mesures pertinentes.

f) Œuvrer à un taux effectif d’imposition des sociétés transnationales qui soit suffisant et cohérent avec celui des PME, en limitant l’évasion fiscale et en réduisant les niches fiscales qui permettent d’éviter une contribution juste.

  1. Dans l’UE, seuls les plus pauvres réduisent leurs émissions : celles-ci augmentent chez les 10 % les plus riches - Rapport Oxfam : https://www.oxfam.org/fr/communiques-presse/dans-lue-seuls-les-plus-pauvres-reduisent-leurs-emissions-celles-ci-augmentent
  2. Bruckner, B., Hubacek, K., Shan, Y. et al. Impacts of poverty alleviation on national and global carbon emissions. Nat Sustain 5, 311–320 (2022). https://doi.org/10.1038/s41893-021-00842-z
  3. Bureau Européen de l’Environnement (2019) : Beyond Sustainable Growth: A policy blueprint for Europe
  4. Voir la carte blanche de Canopea avec partenaires : Après la croissance, besoin de nouvelles priorités communes
  5. Voir la carte blanche sur une fiscalité juste et environnementale
  6. Bruckner, B., Hubacek, K., Shan, Y. et al. Impacts of poverty alleviation on national and global carbon emissions. Nat Sustain 5, 311–320 (2022). https://doi.org/10.1038/s41893-021-00842-z